3ème République 1870-1940
La 3ème République de 1870 à 1914
Après la défaite contre la Prusse, les Parisiens se soulèvent et la 3ème République est proclamée le 4 septembre 1870. Jusqu'en 1877, monarchistes et républicains se livrent une lutte politique intense.
La Marseillaise est adoptée comme hymne national. Le 14 juillet est déclaré fête nationale.
La loi sur le travail des enfants et des filles mineures employés dans l’industrie, du 19 mai 1874 englobe désormais tous les ateliers, quelques soient leurs tailles. L’âge minimum d’embauche est fixé à 12 ans pour une durée journalière de 12 heures. Le travail de nuit, celui du dimanche et des jours fériés sont interdits pour les garçons jusqu’à 16 ans, jusqu’à 21 ans pour les filles.
La France édifie un Empire colonial.
Proposée par Paul Bert, présentée par Jules Ferry et défendue avec ardeur par Goblet, la loi sur l'organisation de l'enseignement primaire dite loi sur la laïcité est voté le 30 octobre 1886, malgré les manifestations et pétitions de l'opposition. Elle abolit les derniers vestiges du régime de privilège que la loi Falloux avait assuré aux congrégations enseignantes. Elle décide que, dans les écoles publiques de tout ordre, l'enseignement serait exclusivement confié à un personnel laïc.
"La laïcisation du personnel est le moyen d'établir dans l'école la neutralité qui a été le but de la loi de 1882... Il y a nécessité d'ordre moral, parce que je ne comprends pas qu'on laisse le soin d'enseigner et d'apprendre les libertés civiles et politiques à des hommes qui n'ont ni la liberté de l'âme, ni la liberté de conscience, ni la liberté de pensée." (Discours de René Goblet au Sénat)
La loi organique de 1886 assimile les directrices et sous-directrices d'écoles maternelles aux institutrices du primaire. Elles reçoivent dès lors la même formation, assurée par l'école normale, et préparent les mêmes diplômes.
En 1887 sont créés les délégués cantonaux. Notables dévoués à l'école publique, ils sont nommés par le préfet.
Aux congrès des instituteurs de 1887 il est décidé qu'une société autonome et amicale des instituteurs sera constituée dans chaque département et reliées entre elles pour former l' Union nationale des instituteurs de France. Dans ce même congrès un projet de statut de syndicat est discuté, ce qui est l'origine du syndicalisme des instituteurs en France. (voir page Le syndicat)
Le ministre Spuller réagit et dénie aux fonctionnaires le droit de se syndicaliser.
Premier conflit avec les Républicains, les instituteurs commencent à comprendre qu'on ne les a pas émancipés du prêtre pour leur donner l'indépendance.
« Quand toute la jeunesse française aura grandi sous cette triple étoile, la République n'aura plus rien à redouter » dit Jules Ferry
« Il faut faire disparaître la dernière et la plus redoutable des inégalités qui viennent, de la naissance, l'inégalité d'éducation. Les sociétés anciennes admettaient que l'humanité fût divisée en deux classes, ceux qui commandent et ceux qui obéissent. Dans une société démocratique comme la nôtre, il n'y a plus ni inférieur ni supérieur : il y a deux hommes égaux qui contractent ensemble, ayant chacun leurs droits précis, chacun leurs devoirs et, par conséquent, chacun leur dignité. Mais, ajoutait-il, comment réaliser ce nouveau régime social tant qu'il subsistera parmi nous en fait une distinction des classes? Or, il y en a une, qui est fondamentale, c'est la distinction entre ceux qui ont reçu l'éducation et ceux qui ne la reçoivent pas. Et, messieurs, je vous défie de faire jamais de ces deux classes une nation égalitaire, une nation animée de la confraternité d'idées qui fait la force des vraies démocraties, si entre ces deux classes il n'y a pas eu le premier rapprochement, la première fusion qui résulte du mélange des riches et des pauvres sur les bancs de quelque école. » discours de 1870.
« Désormais, entre l'enseignement secondaire et l'enseignement primaire, plus d'abîme infranchissable, ni quant au personnel, ni quant aux méthodes », — mais il allait plus loin, il livrait le fond de sa pensée, et l'on peut voir jusqu'où elle s'étend :
« Constituer un enseignement vraiment éducateur, une école qui ne soit plus seulement un instrument de discipline en quelque sorte mécanique, mais une véritable maison d'éducation : c'est cette préoccupation dominante qui explique, relie, harmonise un très grand nombre de mesures, qui, considérées du dehors, un peu légèrement, et quand on n'en a pas la clef, pourraient donner prétexte à des reproches d'excès dans les nouveaux programmes, d'accessoires exagérés, d'études trop variées et qui ne paraissent pas au premier abord suffisamment convergentes. Nous groupons, autour de l'enseignement fondamental et traditionnel du « lire, écrire et compter », les leçons de choses, l'enseignement du dessin, les notions d'histoire naturelle, les musées scolaires, les promenades scolaires, la gymnastique, le travail manuel de l'atelier placé à côté de l'école, le chant, la musique chorale qui y pénétreront à leur tour. Pourquoi tous ces accessoires? Parce qu'ils sont à nos yeux la chose principale, parce qu'en eux réside la vertu éducative de l'école primaire, parce qu'ils feront de l'école primaire, de l'école du moindre hameau, du plus humble village, une école d'éducation libérale. »
« L'école nationale, dans une démocratie de travailleurs comme la nôtre, doit être essentiellement l'école du travail. L'école primaire d'aujourd'hui, celle que nous avons organisée d'après l'idéal entrevu par la Révolution française, cette petite école est, dès la première heure, professionnelle, c'est-à-dire qu'elle a pour but de préparer l'enfant à devenir, comme l'immense majorité des citoyens français, un travailleur. Tous les nouveaux programmes reposent sur cette double idée : l'enseignement primaire, dans une démocratie, doit consister d'abord dans une éducation générale ; sans laquelle il n'y a pas de spécialité durable, pas d'enseignement professionnel solide et sérieux ; et, en second lieu, dans une série d'exercices tendant à mettre l'enfant, par des initiations progressives et ménagées, en contact avec les réalités de la vie. Former dès l'enfance l'homme et le citoyen, préparer des ouvriers pour l'atelier, c'est notre tache. »
Les programmes prévoient dans les trente heures de classe hebdomadaires un enseignement quotidien de deux heures pour le français, d'une heure et demie pour les disciplines scientifiques (calcul et sciences), d'une heure pour la géographie et l'histoire plus l'instruction civique) ; tous les jours une séance de gymnastique, et le matin un entretien ou une lecture consacrée à l'instruction morale. Le programme prévoyait chaque semaine deux ou trois leçons de dessin, de travaux manuels, une ou deux de chant.
La durée des études se divise comme il suit :
A défaut d'école maternelle, une classe enfantine : un ou deux ans à 6 ou 5 ans.
Cours élémentaire : deux ans, de 7 à 9 ans.
Cours moyen : deux ans, de 9 à 11 ans.
Cours supérieur : deux ans, de 11 à 13 ans.
Eventuellement un Cours complémentaire d'enseignement primaire supérieur d'un an.
Emile Combes fait voter la loi du 7 juillet 1904 qui interdit l’enseignement à toute congrégation et prévoit un délai de dix ans pour fermer les dernières écoles.
L'opposition s'organise sous l'influence d'élus. Certaines congrégations résistent, bénéficiant de l'article 3 en faveur des services scolaires « uniquement destinés à des enfants hospitalisés auxquels il serait impossible, pour des motifs de santé ou autres, de fréquenter une école publique.». De nombreuses congrégations vont ainsi survivre aux lois anticléricales en proposant des œuvres de bienfaisance comme l'orphelinat, les soins hospitaliers ou la présence d'un hospice. Sous couvert de charité chrétienne, elles échappent à la législation. Pour les autres congrégations, la sécularisation perpétue leur enseignement. Les écoles congréganistes sont remplacées par des écoles privées laïques
- Le Petit Français illustré, journal de 1904 : transport des ballots de pétitions à l'Assemblée nationale siégeant à Versailles
En 1872, Jean Macé fait signer une pétition en faveur de l'obligation et de la gratuité scolaires qui réunit presque un million trois cent mille signatures qu'il porte à la chambre des députés le 19 juin. C'est un succès !
C'est le 6 décembre 1879 que Paul Bert dépose, au nom de la commission qu'il préside, un projet de refonte complète de toute la législation de l'instruction primaire qui consacre le triple principe de l'obligation, de la gratuité, de la laïcité, substitue à l'autorité des préfets celle de directeurs départementaux de l'enseignement primaire, modifie la composition et les attributions des Conseils départementaux, assure aux instituteurs des traitements plus élevés et des garanties nouvelles, et prépare l'élimination graduelle du personnel congréganiste. Jules Ferry, ministre de l'instruction publique, d'accord avec le rapporteur sur toutes les questions de principe, estime toutefois qu'un projet aussi étendu et aussi complexe aboutirait difficilement à une solution. Il juge plus pratique de s'attaquer d'abord aux questions les plus urgentes et, à cet effet, présente successivement à la Chambre trois projets distincts :
La loi sur les titres de capacité de l'enseignement primaire est promulguée le 16 juin 1881.
Nul ne peut exercer les fonctions d'instituteur ou d'institutrice titulaire, d'instituteur adjoint chargé d'une classe ou d'institutrice adjointe chargée d'une classe, dans une école publique ou libre, sans être pourvu du brevet de capacité pour l'enseignement primaire.
Ce sont les brevets élémentaire et supérieur. Toutes les personnes qui exercent actuellement sans être pourvues des brevets ou certificats désormais exigibles sont tenues de se présenter dans un laps d'un an devant les commissions d'examen pour obtenir le titre qui leur manque.
Emblèmes religieux
Les emblèmes religieux, de quelque nature qu'ils soient (crucifix, images, statues), ne doivent pas figurer dans les locaux scolaires. Après avoir rappelé cette interdiction, la circulaire du 9 avril 1903 renouvelle les recommandations faites antérieurement aux préfets, d'une part de veiller à ce qu'aucun emblème religieux ne soit introduit dans les bâtiments neufs et dans ceux où des appropriations nouvelles nécessitent un remaniement des locaux ou le changement du matériel de classe, et, d'autre part, de ne procéder à l'enlèvement desdits emblèmes dans les écoles anciennes qu'avec toute la prudence et le respect désirables, là où l'on ne risque pas de choquer ouvertement le sentiment des populations, et en ayant soin de profiter des époques réglementaires des vacances, afin d'éviter toute agitation et tout scandale
La France illustrée du 20 février 1886. Laïcisation à outrance. Dessin de M.G. Julien.
La prière
"Il me revient que, dans nombre d'écoles publiques de département de la Dordogne, l'usage s'est continué de faire réciter des prières au commencement et à la fin de chaque classe, alors que nos instituteurs et institutrices, qui ne doivent pas ignorer la loi scolaire dans ce qu'elle a d'essentiel, savent parfaitement que l'école de la République est strictement laïque, c'est-à-dire non confessionnelle, et que, par conséquent, aucune prière, soit catholique, soit protestante, soit juive ou autre, n'y doit être dite et que tout exercice religieux quel qu'il soit, y est formellement interdit pendant la durée des heures de classe et dans le local scolaire, aux termes mêmes des prescriptions impératives de la loi de laïcité." L'Inspecteur d'académie aux Inspecteurs primaires de la Dordogne, le 13 juin 1900
- Le Petit Journal du 17 août 1902.
Les congrégations en province.
La résistance en Bretagne.
Le Petit Français illustré, journal des écoliers et des écolières, du 18 juin 1904.
La fête de l'enseignement primaire, composition de José Roy
Fête de l'école primaire laïque
la fête du 19 juin 1904, organisée par la Ligue de l'Enseignement, en l'honneur de l'Ecole primaire laïque, a été, sur l'ensemble du territoire français, une importante manifestation, et a revêtu un caractère national et populaire.
Elle commémore le dépot aux archives de l'Assemblée nationale, par la commission ayant à sa tête Emmanuel Vauchez et Jean Macé, des pétitions couvertes de 1.267.267 signatures demandant que tous les enfants de France, sans exeption aucune, reçussent les bienfaits de l'instruction.
La Ligue de l'Enseignement, au congrès d'Amiens d'octobre 1904, renonce à sa devise : "Pour la Patrie, par le livre et par l'épée".
Le buste de Marianne
Allégorie de la République, ce buste avec épaules sur piédouche date de la fin XIXe siècle.
Il est modelé en plâtre et mesure 66 cm de hauteur.
Il est vêtu d’une toge maintenue par des fibules rondes étoilées sur des épaules dénudées. Il est coiffé d’une couronne de feuilles de chêne et de laurier et d’un bonnet sur une chevelure longue et ondulée.
Le front est ceint d'un bandeau où est inscrite la devise INSTRUCTION.
Sur le socle du buste est annotée la devise LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ.
L’auteur est non identifié.
A l'aube de la Troisième République, rares sont les communes sans école. La fréquentation scolaire a augmenté mais reste irrégulière et sa durée variable. Seulement 10% des enfants ne vont jamais à l'école.
La carte de l'instruction diffère peu de celle de 1789, les régions de l'Est, du Nord, le Bassin Parisien et le Sud-est viennent en tête. La méthode simultanée a remplacé celles individuelle et mutuelle. Beaucoup de départements se rallient à l'organisation pédagogique adoptée dans la Seine.
Dans les villes, jusqu'en 1870, les écoles primaires étaient en grande partie laissées aux mains des congrégations religieuses dans un souci d'alléger au maximum les charges municipales. Dès les premières victoires électorales des républicains, la laïcisation des écoles commence. Les congréganistes quittent alors le secteur publics pour se développer dans le privé. Une nouvelle situation de concurrence apparaît alors.
En dix ans, l'école publique est devenue un nouveau lieu d'intervention de la municipalité. La période politiquement très troublée des années 1870, où la fragile République cherche ses fondements, a permis à la ville de mieux s'affirmer comme acteur essentiel sur la scène scolaire, ce qui supposait d'en exclure l'Eglise. la législation antérieure aux lois Ferry a ainsi ouvert une petite brèche qui a permis aux républicains de ces grandes villes de laïciser avant le législateur ne l'impose pour la France entière...Parti des villes puis entériné par le pouvoir central, le mouvement de laïcisation peut ensuite s'étendre aux écoles de campagne, mais là plus lentement (L'Ecole républicaine en ville, Marianne Thivend).
Avant 1870, la plupart des écoles sont situées dans des locaux étroits et sont mal installées dans la ville. Les classes sont surpeuplées et souvent mal éclairées. Il faut supprimer les taudis scolaires pour les remplacer par des installations modernes et hygiéniques. De plus la laïcisation des écoles congréganistes augmente l'effectif des élèves de l'école publique. De nombreux programmes de constructions sont établis dans les grosses communes à l'exemple de Paris dont le programme est rédigé par Octave Gréard en 1871. Lyon prévoit en 1874 l'édification de 100 écoles primaires d'une capacité de 200 élèves et 25 salles d'asile de 100 enfants. On passe à une cinquantaine de groupes scolaires en 1879 réunissant l'école de garçons, l'école de filles et l'école maternelle.
Un effort financier important est consenti par les municipalités pour l'instruction publique d'autant qu'elles doivent rétribuer les enseignants.
Lors de la campagne électorale de 1877, le gouvernement conservateur charge les préfets de tout mettre en œuvre pour assurer le succès de ses candidats. Ils pèsent sur le personnel nombreux et influent de l'enseignement primaire. Les instituteurs suspects de sentiments républicains sont déplacés d'office.
Les élections donnent une majorité républicaine.
Un des premiers actes de Bardoux, nouveau ministre de l'Instruction publique, est de rendre leur poste aux instituteurs déplacés quand cela est possible.
Il est créé une Caisse pour la construction des maisons d'école (loi du 1er juin 1878).
Lors de l'Exposition universelle de 1878, de nombreux instituteurs invités visitent les expositions consacrées à l'enseignement primaire en France et à l'étranger. Des conférences sur les problèmes de l'enseignement primaire sont présentées par les spécialistes les plus qualifiés.
L'intérêt soulevé par ces conférences engage le ministre à demander aux recteurs par la circulaire du 29 octobre 1878, de ranimer dans toute la France les conférences pédagogiques (l'organisation officielle datant de 1837).
La fermeture des Ecoles congréganistes, expulsions et manifestations, La Vie Illustrée, 1902.
"Ne partez pas, ma sœur,... Au nom de la liberté !..."
Chez les sœurs de la rue St-Maur. Les chefs de la manifestation.
En janvier 1879, avec le renouvellement partiel du Sénat, les Républicains disposent d'une majorité dans les deux assemblées. Après la démission de Mac-Mahon, Jules Grévy est élu président de la République et Jules Ferry devient ministre de l'Instruction Publique.
"La République des républicains" commence.
Les Ecoles Normales d'instituteurs existent dans 80 départements. Ceux qui en sont dépourvus envoient leurs élèves dans le département voisin. Les Ecoles Normales de filles sont peu nombreuses car les institutrices sont souvent des congréganistes. Pour former des instituteurs et institutrices laïcs, Paul Bert fait adopter sa loi du 9 août 1879 sur l'établissement obligatoire des Ecoles Normales primaires.
Tout département devra être pourvu d'une école normale d'instituteurs et d'une école normale d'institutrices suffisantes pour assurer le recrutement de ses instituteurs communaux et de ses institutrices communales. (Voir page Ecole Normale)
Le Musée pédagogique est fondé et la Revue Pédagogique en devient l'organe officiel.
La Ligue de l'Enseignement poursuit sa campagne en faveur de l'adoption des lois scolaires. Jean Macé convoque à Paris en avril 1881, un congrès général où sont discutées et arrêtées les bases de la Fédération nouvelle. La Ligue de l' Enseignement est définitivement constituée. (Voir page Ligue de l'Enseignement)
Pour défendre les écoles privées confessionnelles, les catholiques se retrouvent dans la Société d'Education et d'Enseignement née sous l'Empire.
La loi sur l'enseignement obligatoire de la gymnastique, rapporté au Sénat par Barthélémy Saint Hilaire, est adoptée le 20 janvier 1880. Désormais l'enseignement de la gymnastique est obligatoire dans les écoles primaires de garçons.
Il ne s'agit plus seulement ici de la santé, de la vigueur corporelle, de l'éducation physique de la jeunesse française. Il s'agit aussi du bon fonctionnement de nos lois militaires, de la composition et de la force de notre armée. C'est une question de sécurité nationale, écrit l'auteur de la proposition de loi, le sénateur George. (Voir page Gymnastique)
L'arrêté du 16 juin 1880 donne une forme définitive au certificat d'études primaires, couronnement de l'enseignement primaire élémentaire. (Voir page C.E.P.)
Les anciens brevets de capacité sont réorganisés par le décret et l'arrêté du 5 janvier 1881 et deviennent le brevet élémentaire et le brevet supérieur. Ils attestent les connaissances mais ne prouvent pas les aptitudes des candidats à l'enseignement. Il est institué pour cela, le certificat d'aptitude pédagogique.
Le conflit rebondit à propos de certains manuels d'instruction civique en usage dans les écoles : L'instruction civique à l'école de Paul Bert, les Eléments d'éducation morale et civique de Compayré, la Première année d'instruction civique de Pierre Laloi (Ernest Lavisse), L'instruction morale et civique des jeunes filles de Madame Gréville, L'homme et le citoyen de Steeg…
La droite trouve que l'on s'écarte de la neutralité scolaire, que ces manuels montrent leur sympathie pour l'œuvre de la Révolution, qu'ils égratignent l'action passée de l'Ancien Régime et de la hiérarchie catholique. Certains manuels sont condamnés par des évêques et mis à l'Index par Rome.
Des incidents scolaires éclatent, des enfants refusent de s'en servir et des parents refusent d'envoyer leurs enfants à l'école publique. Les curés et desservants font pression sur les instituteurs, sur les parents, sur les enfants eux-mêmes, en exigeant que les ouvrages condamnés soient détruits sous peine du refus des sacrements et de l'absolution, et pour les enfants de la première communion.
Jules Ferry revenu au pouvoir, condamne une levée de boucliers d'inspiration bien plus politique et cléricale que religieuse. Il prive de traitement les ecclésiastiques qui se sont compromis par leurs paroles ou par leurs actes.
Le Pape conseille une attitude plus modérée. Le gouvernement pour faciliter le retour de l'ordre, prend des mesures d'apaisement en rétablissant le traitement des ecclésiastiques et soumet à l'examen d'une commission ministérielle les manuels qui sont à l'origine du conflit. Le 17 novembre 1883, Jules Ferry s'adresse directement aux instituteurs par une lettre dont un exemplaire est envoyé à chacun d'eux. Le but de cette lettre est d'expliquer la signification de l'instruction morale et civique que la loi nouvelle charge l'instituteur de donner à ses élèves, et qui prend dans le programme la place occupée autrefois par l'instruction morale et religieuse.
Après dix-huit mois de crise, les conflits s'apaisent mais les catholiques ne peuvent accepter l'exclusion de l'enseignement religieux ce qui provoque l'ouverture d'écoles libres confessionnelles.
Dans leur majorité, les protestants adhèrent au principe de l'école neutre entraînant la disparition des écoles primaires protestantes.
La loi sur la gratuité absolue de l'enseignement primaire dans les écoles publiques est adoptée sans trop de problème le 16 juin 1881.
Il ne sera plus perçu de rétribution scolaire dans les écoles primaires publiques, ni dans les salles d'asile publiques.
Le prix de pension dans les Ecoles normales est supprimé.
Le ministre a détaché du projet d'ensemble, les dispositions relatives au classement et aux traitements des instituteurs et institutrices pour en faire une proposition de loi spéciale. Il se contente pour assurer la relève de la rétribution, l'affectation à l'enseignement primaire de divers impôts communaux. Il garantit que le traitement des instituteurs et institutrices, titulaires et adjoints, actuellement en exercice, ne pourra dans aucun cas devenir inférieur au plus élevé des traitements dont ils auront joui pendant les trois années qui auront précédé l'application de la présente loi.
Par le décret du 2 août de la même année, les salles d'asile, simples garderies, trop souvent considérées comme institutions de charité chrétienne et sorte de succursale de l'assistance publique, sont transformées en écoles maternelles, établissements d'éducation où les enfants des deux sexes reçoivent les soins que réclame leur développement physique, intellectuel et moral. (voir pages Salles d'asile et Ecole maternelle)
La lettre d'obédience délivrée par la supérieure de la congrégation est supprimée au profit du Certificat d'Aptitude à la direction des écoles maternelles. (loi sur les titres de capacité du 16 juin 1881)
Dans le projet sur l'enseignement obligatoire, Jules Ferry, soucieux de limiter les conflits, écarte toute référence à la laïcité. Paul Bert (vigoureusement anticlérical) président de la Commission fait ajouter au projet du ministre la laïcité des programmes. Celle-ci va passionner et prolonger la discussion, donner lieu aux controverses les plus violentes.
La loi sur l'enseignement primaire obligatoire est adoptée le 28 mars 1882.
L'instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six ans révolus à treize ans révolus ; elle peut être donnée soit dans les établissements d'instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute personne qu'il aura choisie.
Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s'ils le désirent, à leurs enfants, l'instruction religieuse en dehors des édifices scolaires. L'enseignement religieux est facultatif dans les écoles privées.
Pour encourager et faciliter la fréquentation de l'école, deux dispositions sont prises :
- Une commission municipale scolaire est instituée dans chaque commune, pour surveiller et encourager la fréquentation des écoles.
- La caisse des écoles, instituée par l'article 15 de la loi du 10 avril 1867, sera établie dans toutes les communes.
La loi qui sépare l'école publique de l'église et laïcise son programme, suscite de très vives réactions d’hostilité de la part des catholiques, mais très inégales selon les régions et loin de faire l’unanimité de l’épiscopat français désirant plus que tout préserver le régime concordataire. Après la violence verbale des premiers jours, la modération l'emporte et la rentrée a lieu dans des conditions relativement satisfaisantes.
Les nouveaux programmes (arrêté du 27 juillet 1882) mise au point par le Conseil supérieur de l'Instruction Publique, inscrit à la demande de Jules Simon "les devoirs envers Dieu et la patrie" dans le programme d'enseignement morale.
La loi du 21 mars 1905 marque l’origine du service nationale limité à 2 ans. Elle supprime les traitements de faveur.
En 1905, la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat est votée. La république, désormais, ne reconnaît ni ne salarie aucun culte ; l'Eglise ne relève plus que du Saint-Siège.
La loi de Séparation accentue l'opposition entre cléricaux et anticléricaux et c'est une véritable "guerre religieuse" dans certaines paroisses.
Les élections législatives de 1902 et de 1906 confortent la position de la gauche au niveau national, preuve que la majorité est favorable à la politique anticléricale. Le mouvement d'hostilité se calme dès la fin de l'année 1906. La ferveur religieuse et politique s’amoindrit. Les curés semblent s'être calmés après avoir suivi les consignes de Pie X et les hommes politiques se font discrets puisque les élections sont passées.
Les catholiques réagissent en créant des œuvres sociales (chorales, clubs de sport, ...) souvent reliées à des mouvements ou partis politiques. La Séparation a pour corollaire la politisation de la société française, commencée quelques années plus tôt avec l'affaire Dreyfus.
Globalement le catholicisme reste présent dans l'enseignement au début du XXe siècle ; nombreux sont les ecclésiastiques qui donnent l'impression d'être dans la société sans avoir réellement modifié leur enseignement et leur mode de vie. Le détachement de l'Eglise s'opère peu à peu.
Brevet de capacité pour l'enseignement primaire (instituteurs - brevet supérieur),
délivré à M. Bonne le 8 novembre 1882,
le Vice-recteur de l'Académie de Paris,
signé Gréard.
L’école primaire supérieure pour assurer le recrutement des écoles normales
Le ministre Bardoux en 1878 aperçoit déjà que tel serait l’un des rôles principaux de l’enseignement primaire supérieur : « préparer ou conserver à notre corps enseignant des recrues précieuses, dans les années de transition qui séparent la sortie de l’école élémentaire de l’entrée à l’école normale ».
Avec les lois organiques, la laïcisation et la création d’un grand nombre d’écoles, il faut former des instituteurs, des institutrices. Mais on entre à l’école normale qu’à seize ou dix sept ans alors que la scolarité primaire s’arrête maintenant à douze ans. Auparavant on prolongeait un long temps après cet âge. De plus, les maîtres d’école, surchargés par le secrétariat de mairie et autres besognes, mécontents de leur sort, cessent de préparer des candidats aux écoles normales. Comment retenir, comment occuper, comment instruire les enfants, de douze à seize ans, c’est-à-dire de leur sortie de l’école primaire élémentaire jusqu’à leur entrée à l’école normale ? Force fut de se rabattre sur les écoles primaires supérieures. On y mit des boursiers, on y organisa les études en vue des examens et des concours qui donnent entrée à la carrière d’instituteur.
CPA Ecolier
par Paul Déroulède
Les manuels scolaires sont progressivement laïcisés. Dieu disparaît des livres, comme dans le livre de lecture le plus répandu le Tour de France par deux enfants (1906), ou dans la grammaire de Larive et Fleury (1902).
Quant aux livres d'histoire et de morale, ils sont influencés par l'athéisme.
Cette nouvelle orientation déplaît aux catholiques.
En 1909, par une circulaire les archevêques et évêques condamnent collectivement ces manuels et exigent des maîtres qu'ils changent de livre. L'administration prescrit aux instituteurs de décliner toute invitation de ce genre et indique qu'ils devront se borner à sanctionner les enfants qui ne se soumettront pas.
La deuxième guerre des manuels commence.
Des conflits éclatent dans toute la France mais leur ampleur et leur intensité varient d'une région à l'autre. Dans les départements où la foi et l'influence catholique sont fortes les écoles publiques se dépeuplent. L'instituteur a une tâche difficile et ses relations avec les familles catholiques se tendent. Sa classe est menacée dans sa discipline autant que dans ses effectifs. Des desservants conseillent aux familles de se faire remettre les livres, d'en éliminer les pages coupables, puis de les brûler ou de les jeter au fumier. Devant l'insubordination des élèves les instituteurs les sanctionnent et s'ils ne se soumettent pas aux punitions, ils sont exclus temporairement avant d'y être définitivement. Les associations de pères de famille tente de faire pression en déclenchant la grève scolaire.
Devant l'inaction du gouvernement les instituteurs mécontents perdent confiance dans l'autorité des pouvoirs publics. Les Amicales d'instituteurs deviennent plus revendicatives et l'effectif des syndicats interdits augmentent.
- En 1906, la 331e édition du Tour de France par deux enfants, best seller des livres scolaires, est entièrement revue et augmentée d'un épilogue.
Tout ce qui se rapporte à Dieu disparaît.
"A la racine de la vie intellectuelle de l'homme, dans l'œuvre d'éducation où la conscience s'éveille, où la raison incertaine se dégage, intervient donc la communauté laïque, libre de toute entrave, libre de tout dogme, pour susciter dans les jeunes esprits, non pas un dogme nouveau, non pas une doctrine immuable, mais l'habitude même de la raison et de la vérité."
Jean Jaurès, discours sur les congrégations, le 3 mars 1904.
Octave Gréard
Les réformes scolaires s'accompagnent d'un développement spectaculaire de la science de l'éducation et des méthodes pédagogiques.
On ne veut plus d'une école limitée à l'enseignement mécanique de la lecture, de l'écriture et du calcul, mais avec un triple objet, intellectuel, moral et physique.
Si les enfants mettaient jadis si longtemps à apprendre si peu, cela tenait précisément à la manière dont on le leur enseignait, dit Buisson.
Des congrès pédagogiques sont organisés par le ministre pour associer les maîtres aux réformes qui s'élaborent. En 1885, sous l'initiative de Jules Siegfried, maire du Havre, les instituteurs organisent leur propre congrès où sont discutés des problèmes pédagogiques et d'intérêts professionnels.
L'école de la République veut former le citoyen et le soldat. L'éducation militaire et patriotique doit être présent partout, dans la gymnastique par les exercices militaires, dans l'histoire et la géographie qui doivent faire aimer la patrie, dans la morale qui donne le respect de la loi et des institutions, dans l'instruction civique pour montrer que tout citoyen doit être un soldat prêt s'il le faut à faire le sacrifice de sa vie, mais également dans les dictées, lectures, rédactions...
Des manuels nouveaux et revues pédagogiques fleurissent. Tous respirent le plus vif amour de la patrie. Le patriotisme unifie la France.
Plusieurs municipalités organisent pour les enfants des écoles communales de garçons des "bataillons" armés. Des exercices assurés souvent par les instituteurs ont lieu en général le dimanche. Jean Macé écrit :"L'important, c'est de commencer tout de suite et de donner aux campagnes de France le spectacle de leurs enfants se préparant, dès l'école, à défendre le sol de la patrie, si jamais l'étranger essayait de revenir le fouler."
L'existence légale des bataillons scolaires est reconnue par un décret en date du 6 juillet 1882. (Voir page Bataillons scolaires)
A droite les attaques contre les lois laïques reprennent à l'approche des élections de 1898, cependant la majorité républicaine est consolidée.
En 1900, les amicales d'instituteurs et d’institutrices tiennent leur premier congrès qui fixe dans ses grandes lignes les modalités d’une entente entre toutes les Amicales de France et des Colonies.
Le gouvernement et l'administration durcissent leur position contre la réaction scolaire. Le ministre de l'Instruction publique, Georges Leygues, dans une circulaire aux préfets de décembre 1900, rappelle aux instituteurs qu'ils doivent s'abstenir désormais de tout emploi rémunéré ou gratuit dans le service des cultes. Des préfets reprennent la politique de laïcisation. Ils demandent aux inspections académiques de bien vouloir prendre des mesures pour mettre fin aux prières dans les écoles publiques et de faire décrocher les crucifix des murs.
La contestation catholique commence en 1901 à la suite de la promulgation de la loi Waldeck-Rousseau sur les associations dont l'article 13 stipule que les congrégations ne peuvent se former sans autorisation et que les membres non autorisés n'ont pas le droit d'enseigner. L'idée première est, semble-t-il, de mettre un terme à l'enrichissement prodigieux de certaines congrégations.
Le Président du Conseil, Emile Combes prend des mesures radicales. Il fait fermer à partir du 27 juin 1902, sans attendre les vacances, les écoles créées depuis la loi de 1901 et celles qui n'ont pas demandé d'autorisation.
- La France illustrée du 20 février 1886. Laïcisation à outrance. Dessin de M.G. Julien.
- Installation des instituteurs laïques à Bouillargues près de Nîmes (Gard).
- La France illustrée du 20 février 1886. Laïcisation à outrance. Dessin de M.G. Julien.
- Le procès des campagnards qui refusent de laisser apprendre, par leurs enfants, le manuel civique de Paul Bert.
- Manuels d'histoire condamnés par l'église : Aulard et Débidour (en 1894), Léon Brossolette, Calvet(en 1898), Dévinat (en 1898), Gauthier et Deschamps(1904), Guiot et Mane (1906) et Rogie et Despiques (en 1908).
Manuels de morale de J. Payot, d'Albert Bayet.
La loi du 15 avril 1909 établit la création de Classes de Perfectionnement annexées aux écoles élémentaires publiques et d’Écoles autonomes de Perfectionnement pour les enfants arriérés.
Pour résoudre la question des manuels scolaires, source de conflits depuis 30 ans, le président du Conseil fait signer un décret le 1er juillet 1913 qui maintient le principe de base qui préside aux choix des livres mais qui introduit la possibilité pour les pères de famille de faire connaître leur avis. Barthou expose aux préfets qu'ils doivent s'inspirer de l'esprit de large libéralisme et de tolérance traditionnel de l'Université. L'école publique doit être un asile de concorde et de paix au seuil duquel se taisent les querelles qui nous divisent…
Si les républicains modérés s'en félicitent, si les catholiques sont favorables, les radicaux et socialistes sont mécontents. La Fédération des Amicales condamne un système qui renforce les pouvoirs de l'administration puisque le recteur peut rayer d'autorité tout ouvrage qui ne lui convient pas.
La campagne électorale de 1914 durcit les attitudes après un relatif apaisement de quelques années. Des discussions sur des projets scolaires commencés depuis cinq ans puis ajournés sont remis à l'ordre du jour.
Le gouvernement Doumergue, sort sur la question des manuels scolaires, un nouveau décret le 21 février 1914 qui donne satisfaction aux instituteurs et à la gauche. Il introduit dans la commission départementale qui dresse la liste des manuels, deux délégués cantonaux et les représentants des instituteurs au conseil départemental et il écarte les articles qui autorise les pères de famille à réclamer contre l'inscription.
Les catholiques revendiquent l'extension de la proportionnelle aux crédits scolaires. Des municipalités accordent des subventions aux écoles privées sous forme de secours aux enfants pauvres, annulées ensuite par l'administration.
Les élections renforcent les radicaux et les socialistes.
Après dix ans, les derniers établissements congréganistes sont fermés.
La crise de recrutement s'aggrave chez les instituteurs qui sont les plus mal payés des grandes nations.
Les maires sont élus.
Le Boulangisme, puis l'affaire Dreyfus révèle l'existence d'une droite nationaliste qui met en l'armée tous les espoirs de reconquête politique de la France. Par contre, une fraction de la gauche est séduite par l'humanisme et le pacifisme.
La Ligue de l'Enseignement renonce à sa devise : "Pour la Patrie, par le livre et par l'épée". Les maximes patriotiques qui ornent les cahiers d'écoliers disparaissent.
La loi militaire du 15 juillet 1889 établit le principe du service militaire de trois ans pour tous les instituteurs publics et privés, mais les instituteurs publics peuvent ne faire qu'un an s'ils contractent l'engagement de servir pendant dix ans dans les fonctions de l'instruction publique.
Il reste cette dernière partie de l'œuvre législative, le problème du traitement des instituteurs disjoint des textes initiaux de 1882 pour raisons financières. La gratuité a mis en difficulté à la fois le budget des communes et celui des instituteurs amputé de la rétribution et des activités religieuses annexes.
La loi sur le classement et le traitement des instituteurs est enfin voté le 19 juillet 1989.
La commune n'intervient plus dans le traitement que par une indemnité de résidence attribuée dans les grandes villes. Par contre les communes conservent la charge des bâtiments scolaires et du logement des instituteurs.
Après la promesse et l'attente, cette loi ne donne satisfaction aux instituteurs sur aucun point, ni sur le mode de nomination, ni sur le mode de classement, ni pour le traitement qui reste très bas dans la hiérarchie des fonctionnaires, ni pour l'admission à la retraite.
Malgré l'ampleur des réformes accomplies, le système scolaire mis en place reste aristocratique. La République n'a pas confondu les classes sociales, mêlé tous les enfants de France sur les bancs de la même école. Le dualisme scolaire subsiste : il y a d'un côté l'enseignement de la bourgeoisie disposant de leurs propres classes élémentaires payantes et de l'autre, celui du peuple donné dans des écoles primaires gratuites.
Si le gouvernement est ferme sur les principes et s'il poursuit sans faiblesse l'application des lois laïques, il se montre en même temps souple et conciliant. L'administration ferme les yeux, les autorités se préoccupent surtout d'éviter tout incident local et le départ des élèves de l'école publique vers l'école confessionnelle. A partir de 1890, les laïcisations diminuent et le nombre d'écoles laïcisées est compensé par l'ouverture d'écoles privées. Dans les régions très catholiques les écoles publiques sont désertées.
De plus, les catholiques pour guider les élèves et pour étendre leur action aux enfants des familles chrétiennes qui fréquentent l'école publique, sous l'impulsion du Pape, créent des patronages de jeunes gens. Ces associations organisent des réunions, des sorties et des séances récréatives et instructives.
La France se trouve ainsi coupée en deux écoles, "la laïque" et "l'école des curés".
La loi sur le travail des enfants, des filles mineures et des femmes dans les établissements industriels du 2 novembre 1892 repousse l’âge minimum d’embauche à 13 ans pour se mettre en conformité avec l’obligation scolaire. La durée journalière du travail est abaissée à 10 heures jusqu’à 16 ans et 11 heures au-delà.
Fondation en 1893 de la Ligue Démocratique des Ecoles d'Alphonse Aulard, plus tard, des Jeunesses Laïques.
La liberté d’association est instituée en 1901.
Les grandes lois scolaires
La guerre laïque
La France se couvre d'écoles à la faveur des crédits ouverts à la Caisse des Ecoles.
Les constructions nouvelles se font de plus en plus selon des plans-types. L'école publique devient, avec l'église, un des éléments caractéristiques du village français de la fin du siècle. (Voir page Maison d'école)
Dans les nouvelles écoles le matériel s'améliore progressivement : bureau pupitre à deux places, tableaux et cartes, mappemondes, collections des musées scolaires, agrès sous le préau… L'instruction générale progresse.
La qualité des maîtres est en amélioration et les progrès sont appréciables. Ils suivent un emploi du temps régulier. Les cours mieux préparés sont plus actifs.
Les bataillons scolaires périclitent, les difficultés et l'hostilité d'une grande partie de l'opinion ont raison de leur existence. Beaucoup disparaissent ou se transforment en sections de gymnastique.
La fréquentation des écoles reste encore à désirer. Les commissions scolaires fonctionnent peu, la raison en est que les maires ne veulent pas sanctionner les contrevenants qui sont leurs électeurs. De plus, devant les difficultés économiques et financières, les communes renoncent à entretenir une caisse des écoles.
La République recueille de moins en moins l'adhésion des instituteurs. Après les avoir maintenus sous la domination du préfet en 1886, leur avoir refusé le droit syndical en 1887, elle déçoit en 1889 par la loi sur les traitements et la loi militaire.
Le malaise s'installe et se manifeste d'abord par la poursuite des désertions.
Les instituteurs changent bientôt d'esprit et d'attitude envers la République et la Patrie.
Les jeunes qui n'ont pas vécu les temps héroïques de 1880 se radicalisent. Ils veulent une séparation complète entre l'Eglise et l'Ecole publique, pouvoir se réunir en congrès pour débattre de leurs intérêts professionnels, une augmentation des traitements… Ils deviennent militants de la Ligue de l'Enseignement, animateurs des Sociétés de secours mutuels, des amicales, des œuvres scolaires et postscolaires locales destinées à la lutte contre les patronages catholiques.
Ils se détournent du sentiment patriotique et cesse d'enseigner les devoirs du citoyen, l'amour de la République bourgeoise.
Certains idéalistes adhèrent au socialisme.
Le 28 mars 1901, la Chambre des Députés décide que la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen soit affichée dans toutes les écoles publiques de la République française.
La réforme de 1902 concernant les lycées, marque un tournant puisque, du point de vue du secondaire, elle pose comme normal le cursus d'un enfant qui entre au lycée après quatre ans d'école primaire : la classe de 6ème est aussi bien en continuité avec l'école primaire qu'avec la 7ème des classes élémentaires de lycée.
- Histoire de la France et de l'Europe, l'enseignement pacifique par l'histoire de Gustave Hervé.
Le ministre fait exclure de l'Université Gustave Hervé, membre du parti socialiste unifié, rédacteur de la Revue de l'enseignement primaire, qui s'est fait remarquer par sa propagande antimilitariste.
- CPA Mairie et groupe scolaire de Cour-et-Buis en Isère.
- CPA, Les expulsions à Nantes, le Couvent des Prémontrés, La grille de l'Avenue de la Béraudière et La fin... chassés de leur maison, 1er juillet 1904.
Le point de vue des anarchistes
Les anarchistes sont méfiants à l'égard de l'école laïque, contrôlée par l'Etat, autant qu'à l'égard des écoles confessionnelles. Tous sont partisans de la liberté de l'enseignement et les dogmes enseignés à l'école d'Etat leur semblent aussi pernicieux que les dogmes religieux.
Le monopole de l'enseignement a été et est toujours le nœud gardien de la question sociale.
La déclaration des droits de l'homme et du citoyen décrétait "l'instruction primaire, gratuite, laïque et obligatoire. On diminuait par là le nombre des illettrés, mais on imposait à la nation une éducation qui devait former de parfaits républicains, des citoyens soumis, des patriotes enthousiastes, des brutes.
Lisons les livres d'histoire, d'instruction civique, de géographie, de morale. Partout c'est l'apologie de l'honnêteté, de l'honneur, de la charité, la consécration des grands guerriers ou des illustres crétins, la glorification de la patrie, la grandeur de la France, la gloire de la République. Respect! Respect aux parents, aux éducateurs, aux patrons, aux chefs ; respect à la propriété, au drapeau, à l'autorité.
Le dogme laïque et républicain a remplacé le dogme religieux : qu'y a-t-il de changé ?
Au lieu d'éveiller l'intelligence et l'observation chez l'enfant, on lui impose des idées toutes faites, toutes préparées, on le gave jusqu'à l'indigestion de choses plus ou moins fausses ou inutiles ; on l'apprendra à être docile, soumis, respectueux, on en fait un parfait électeur, courbé devant la loi, ou un parfait croyant, à genoux devant la bible.(Mauricius, L'Anarchie, 1909)
Par l'enseignement laïque, gratuit et obligatoire, l'Etat s'est réservé le droit de placer les générations à venir sous sa tutelle, de marquer de son empreinte, de façonner à son gré les cerveaux et les cœurs.
(E. Janvion, Lécole, 1908)
- Le Christ restera malgré les sectaires, pour empêcher qu'on enlève le Crucifix de l'école, M. le Maire ordonne qu'il soit scellé dans le mur, La Croix Illustrée du 11 novembre 1905.
Le ministère de M. Clémenceau, comme précédemment celui de M. Sarrien, s'est montré implacable pour es crucifix qui demeuraient encore dans les salles de classes de quelques écoles communales...
La montée des nationalismes, l'activisme des revanchards et l'assassinat du pacifiste Jean Jaurès le 31 juillet 1914, conduisent à la guerre.
Une école publique de ville du début de la IIIe République
L'école primaire de garçons de la ville de Crest dans la Drome, dirigée par Henri Blanc de 1911 à 1925.
Photographies de 1914 (collection particulière)
- Pavillon central, porte principale de l'école.
- Cabinet du directeur (Henri Blanc)
- Le personnel enseignant.
- Vestibule de l'entrée principale.
- Un vestiaire
- Les six classes
- Musée et matériel d'enseignement scientifique.
- Salle d'étude, séance de chant choral.
- Réfectoire au moment du dîner des enfants.
- Le jardin.
- La cour, séance de gymnastique.
- Le préau (femmes de service), les lavabos, les W.C.
- Chauffage central (chaudière et chauffeur).
Guerre privé publique
Je ne sais pas si, là-bas, dans le vieux village, on a gardé souvenance de ces heures fraternelles où toute joie était communément partagée. Que n'ont-elles duré ! Vint un jour d'octobre où les trois classes de notre école furent réduites à n'être plus que deux, où les petits camarades de la veille se quittèrent en chemin pour suivre deux routes opposées. Car, à l'autre extrémité du village, on venait d'ouvrir une école "libre" ! Ce fut le commencement des inimitiés. Une scission brutale sépara non seulement les familles, qui se tournèrent le dos, ne voulurent plus se connaître et se parler. Il y eut pire. Un soir que l'étude finie, nous revenions quatre ou cinq d'entre nous, de l'école de Madame Guy par une rue étroite et sombre, nous fûmes en débouchant sur la place, assaillis de cailloux. Monsieur Guy en fut informé par nous-mêmes. Le lendemain, à la même heure, il sortit avec nous, nous suivit à quelque distance jusqu'au bout de la rue ; ce soir -là, nous ne fûmes pas inquiétés et nous ne le fûmes plus jamais.
(François Talva, Hommage à mon vieux maître, le souvenir de Monsieur Guy)