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Le syndicat




Il faut attendre le XIXe siècle pour voir la carrière des instituteurs s'organiser sur des bases précises.

N'appartenant à aucune corporation, le régent victime d'une injustice ne peut compter que sur lui-même pour faire valoir son bon droit.

Au XIXe siècle, la carrière des instituteurs s'organise peu à peu, leur permettant ainsi d'échapper à l'arbitraire des communes. On commence à tenir compte de l'ancienneté, du mérite et de la situation familiale des intéressés. Parallèlement, des récompenses et des distinctions honorifiques couronnent le zèle des instituteurs. En 1853, le régime de retraite leur est ouvert, les mettant à l'abri du besoin durant leurs vieux jours. En 1873, la retraite est fixée à soixante ans, après trente ans de service actif.

Les influences politiques


Les associations de fonctionnaires dénoncent implacablement le népotisme et son action néfaste, démoralisante.

Dans l’enseignement, les préfets récompensaient par des promotions aux choix, des décorations, ou un avancement très rapide, des services purement politiques. C’est ce qui soulevait une grande réprobation.

Les exemples sont multiples de députés intervenant dans les nominations du personnel primaire…


Le directeur de Meilhan prend sa retraite et le poste est couru à cause des avantages qui y sont attachés…Comme de juste, chaque homme politique de la région a son protégé et veut mordicus qu’il soit préféré. Le député de l’arrondissement et le conseiller général du canton, chacun de son côté, ont le leur et se démènent à qui mieux mieux… Courses, démarches, recommandations n’en finissent plus… Et c’est l’inspecteur d’académie, qui, dans l’occurrence, se trouve rudement embêté pour faire ses propositions au préfet !... Contenter tous ces gens-là, c’est difficile ! On ne sait qui l’emportera, à moins qu’un troisième larron… De là le retard.

- Oh ! Ça ne m’étonne guère ! s’écria Coste.

- Ce n’est pas du mérite, c’est du piston qu’il faut aujourd’hui… Aussi que d’intrigants chez nous avec pareilles mœurs ! C’en est dégoûtant… Mais pourquoi s’obstine-t-on à nous faire nommer par le préfet, et à nous tenir par lui à la merci de certains politiciens de pacotille ?...

(Jean Coste ou l’instituteur de village d’Antonin Lavergne)

La naissance des syndicats


Un courant syndicaliste-révolutionnaire se développe. Dans la Seine, les jeunes instituteurs lancent, en 1903, un mouvement : L'Emancipation de l'instituteur. Des associations similaires se créent dans quelques départements. L'Emancipation a son bulletin mensuel éponyme à couverture rouge, l'Emancipation de l'Instituteur.

L’Emancipation demande que le conseil des maîtres soit souverain et que le titulaire ait la direction pédagogique de sa classe. Elle s’élève contre la présence du directeur ou de la directrice aux côtés de l’inspecteur, au cours d’une inspection. Elle demande que les sobriquets de directeurs et d’adjoints disparaissent, la suppression des rapports des directeurs sur leurs adjoints, que le directeur n’ait pas qualité pour demander le déplacement d’office d’un adjoint, que les parents des élèves s’adressent toujours directement au maître de leurs enfants. Elle prend énergiquement  position contre les distinctions honorifiques, … 

Le 29 mai 1904, le Cercle pédagogique du Var décide de se transformer en syndicat. Les statuts sont déposés le 16 juin. En octobre, le bulletin du Cercle prend le titre de Bulletin du Syndicat.

Le 13 juillet 1905, l'assemblée générale des Emancipations décide que chaque association prendra la forme syndicale et adhérera à la Bourse du travail.

Un manifeste des instituteurs syndicalistes, publié le 26 novembre 1905, affirme la volonté déterminée des instituteurs d’entrer dans les Bourses du Travail et d’appartenir à la C.G.T.

Premiers groupements


« L’un des premiers, sinon le premier groupement d’éducateurs de ce pays, fut la société des instituteurs et institutrices primaires de France, organisée en 1831 par un jeune instituteur d’école mutuelle, Philibert Pompée, qui devait, par la suite, devenir directeur de l’école Turgot. » Son rôle semble avoir été cependant fort modeste.

Il n’en fut pas de même d’Arsène Meunier auquel revient l’honneur d’avoir été le pionnier du syndicalisme universitaire…

Fils d’ouvrier d’usine, maître d’école, il appartenait sous la restauration à l’opposition la plus avancée. Après la Révolution de Juillet, qu’il salua avec enthousiasme, il fut l’un des premiers à protester contre les usurpations de la nouvelle royauté. En 1832, à la suite d’un concourt, il devient directeur de l’Ecole Normale d’Evreux, il professe ouvertement les principes démocratiques. Pendant dix ans, il lutte avec courage contre la persécution politique et cléricale. En 1842, afin de défendre ses idées avec plus d’indépendance, il donne sa démission et devient instituteur privé à Paris. Il consacre sa plume à la cause du progrès et de l’enseignement, qui en est inséparable.

En janvier 1845, il lance l’Echo des Instituteurs. Journal de combat qui se propose un double objet : « Révéler le mal, montrer le remède. »  Sa publication est accueillie dans le monde des enseignants primaires avec une certaine faveur. L’élite des maîtres d’école se sent ragaillardie par la publication d’un journal qui est leur et qui permettra peut-être aux « cris dispersés de quarante mille malheureux de parvenir à se faire entendre au sein des Chambres législatives ». Grâce à cet hebdomadaire, l’idée est lancée de créer un projet d’association entre tous les instituteurs laïques de France, à l’effet de se prêter un mutuel secours dans les luttes qu’ils ont à soutenir. La Société pour l’émancipation de l’enseignement ne vit jamais le jour, car la Révolution de 1848 éclata…

En dehors de ce projet d’association, on peut découvrir aussi dans cette série « d’échos » une préfiguration de l’action revendicative que poursuivront les syndicats, soixante ans plus tard…

Il prend une part importante à la journée du 24 février 1848… Accusé de communisme, au cours de la campagne électorale, dans l’Eure, il s’en défend véhémentement, se déclare un ardent défenseur de la famille et de la propriété… En avril 1850, L.-A. Meunier est traduit en justice parce que, dans l’Echo des Instituteurs, il prodigue à ses collègues les conseils les plus coupables et professe les théories les plus subversives. Il est acquitté.

Ardent républicain, épris de liberté et de progrès, il confondit l’Ecole et la République. Toute sa vie il lutta contre le cléricalisme et le conservatisme social, pour l’amélioration du sort des instituteurs et une instruction plus poussée du peuple. (Histoire du mouvement syndicaliste révolutionnaire chez les instituteurs, Max Ferré)

Le nouveau gouvernement sait qu’il a besoin des instituteurs, de leur enseignement et de leur dévouement pour faire triompher la République. Il favorise les groupements afin de développer un esprit public dans le personnel enseignant. En quelques années des cercles pédagogiques, amicales, associations d’anciens élèves d’écoles normales, etc., se fondent dans les départements.

Ces amicales sont présidées par le recteur, le préfet et l'inspecteur d'académie. Elles se proposaient de mettre en œuvre une confraternité et une convivialité dont on sent combien elles pouvaient être précieuses à ces hommes dont l’isolement assombrissait les vies. (La République des instituteurs, Jacques et Mona Ozouf)

En même temps, des congrès pédagogiques nationaux se réunissent sous les auspices de J. Ferry. Sans être annuelle, les sujets de discussion sont choisis par les ministres. Au congrès international qui se tient au Havre en 1885, sur l’initiative du maire Jules Siegfried, ouvert par René Goblet et dirigé par Olive Gréard, l’idée d’association corporative est émise par les instituteurs.

Ce qui ne tarde pas, puisque en février 1887, la préfecture de Paris enregistre le dépôt des statuts de l'Union des instituteurs et des institutrices de la Seine, fondée par Eugène Chevallier. Elle crée entre ses membres une association mutuelle en cas de décès, une caisse de secours et de prêt gratuit, et rédige un bulletin bimensuel. Elle est, à juste titre, considérée comme l'Amicale type, et ses statuts servirent à bon nombre des associations qui se formèrent par la suite.

Un congrès, tenu à Paris en août 1887, décide qu'une société autonome et amicale des instituteurs serait constituée dans chaque département, et que ces sociétés seraient reliées entre elles et formeraient l'Union nationale des instituteurs de France. 

Les Amicales sont souvent aux mains des directeurs d’école, mais les jeunes maîtres commencent à revendiquer et rejettent les deux tutelles : la première, celle qu'exercent les directeurs d'école sur leurs adjoints ; la seconde, sont les recommandations politiques. Toujours nommés, déplacés et révoqués par les préfets et non par la hiérarchie universitaire, les instituteurs sont à la merci des influences politiques. Les hommes politiques les utilisent à leur gré, et nomment leurs clients aux bons postes et les autres aux mauvais. L’instituteur peut être frappé de toutes sortes de sanctions, dont la plus grave est le déplacement d’office. L'administration cède souvent à ces potentats locaux, qui trouvent toujours l'oreille du préfet. Les mesures arbitraires est la meilleure raison pour les instituteurs de se grouper

Bulletin officiel du Syndicat National des instituteurs et des institutrices publics, section du Gard.

Mars 1935

L’année suivante, Monzie conseille aux inspecteurs d’académie de préparer le mouvement du personnel en accord avec les délégués élus au conseil départemental, c’est-à-dire en majorité avec les candidats du S.N.I.

L’histoire a fait triompher l’une des formes d’association, le syndicalisme, et ils sont donc enclins à ordonner amicalisme et syndicalisme sur l’axe du temps comme formes successives de l’organisation corporative. (Jacques et Mona Ozouf)

L’entraide et le solidarisme, le refus de la lutte des classes, la méfiance à l’égard des minorités agissantes, la certitude que le matérialisme est réducteur, l’ambition enfin, toujours présente, de former des êtres complets, font du syndicalisme enseignant un syndicalisme différent.

Le S.N.I. adhère à la Fédération Générale de l’Enseignement (F.G.E.) créée en janvier 1929. La même année, l’Ecole libératrice voit le jour.

C’est à la clôture du congrès de Clermont-Ferrand, le 6 août 1932, qu’André Delmas prend la direction du Syndicat national, en remplacement de Roussel et Glay

Le S.N.I. fonde la société universitaire d’éditions et de librairie, S.U.D.E.L., pour publier des manuels scolaires.

Après la journée du 12 février 1934 où les fonctionnaires s’engagent pour la première fois aux côté des ouvriers pour défendre la République, le S.N.I. lance l’idée du Comité de Vigilance des Intellectuels antifascistes, présidé par Paul Rivet. Le manifeste du 5 mars déclare à tous les travailleurs «la résolution de lutter avec eux pour sauver contre une dictature fasciste ce que le peuple a conquis de droits et de libertés publiques ».

  Chanson pour les Amicales


Unissons à l’éducateur

L’amour des choses idéales

Et qu’un souffle émancipateur

Frissonne au sein des Amicales.

                     

(Revue de l’enseignement primaire, 1903)

- Association amicale des anciens élèves de l'Ecole Normale d'Instituteurs d'Auxerre, fondée le 28 septembre 1895.

- Bulletin de l'association amicale des anciennes élèves de l'Ecole Normale d'Institutrices de la Gironde, mars 1914.

La guerre terminée, les Amicales évoluent


Voté lors du congrès de septembre 1919, la Fédération des Amicales se transforme dans un premier temps en Fédération des syndicats d'instituteurs.

« Les jeunes démobilisés n’étaient pas favorables au maintien de cette tradition amicaliste. Ils souhaitaient une défense collective des intérêts du personnel, une action corporative plus indépendante de la hiérarchie académique, plus ardente et plus efficace. On entendit parler de possible transformation de l’amicale en syndicat… Une génération nouvelle poussait sa devancière, jugée molle et conformiste. » (Mémoire d’un instituteur syndicaliste, André Delmas)

Bulletin mensuel du Syndicat National des Institutrices et des Instituteurs Publics de France et des Colonies, 1925.

CPA VIIe congrès des Amicales d'instituteurs, Nantes 1911, sortie de la gare de St Nazaire.

L'émancipation de l'Instituteur, organe mensuel de la Fédération Nationale des instituteurs et institutrices de france, rédigé entièrement en ortographe simplifiée.



Sois un homme, puisque tu dois faire des hommes

La F.E.N. prend de l'importance


A la libération la F.G.E. reconstituée prend le nom de Fédération de l‘Education Nationale (F.E.N.).

L’église et les associations des Parents d’Elèves de l’Ecole Libre (A.P.E.L.) veulent faire reconnaître la liberté de l’enseignement comme l’une des libertés fondamentales et de sauver le plus possible des subventions généreuses octroyées par le gouvernement de Vichy. LA FEN et le S.N.I. entreprennent de dresser contre cette politique le front des laïques. Le 3 octobre 1947, le Cartel national d’action laïque (avec la C.G.T., le P.C., le P.S., la ligue de l’enseignement, la Fédération des Conseils de Parents d’élèves et d’autres) décide de lancer une grande campagne publique.

Après la rupture entre la CGT et FO, la F.E.N.afin de rester unie, décide de son autonomie en mars 1948. Le SNI qui en est la plus importante catégorie est composée de trois tendances principales : l’UID (Unité, Indépendance et Démocratie) majoritaire, socialiste, l’U&A (Unité et Action) proche du PC et l’EE (l’Ecole Emancipée) regroupant l’extrême gauche.

Une nouvelle offensive de l’enseignement privé s’ouvre en 1951 avec le vote des lois Marie et Barangé. La première ouvre le bénéfice des bourses d’Etat aux familles des élèves fréquentant l’école privée, la seconde crée une allocation scolaire versée, pour les familles dans l’enseignement privé. Malgré le succès de la journée de protestation organisée par la F.E.N., pour le retour au principe « aux écoles publiques, fonds publics, aux écoles privées, fonds privés ».

L’année 1968 marque un tournant décisif dans l’histoire sociale de la France. Les problèmes de l’enseignement, sa mission, son contenu, ses méthodes, les rapports entre maîtres et élèves, les conditions de vie et de gestion des établissements sont remises en cause. Le S.N.I. lance le projet d’Ecole fondamentale, qui remet à l’ordre du jour l’élaboration d’un projet fédéral de réforme de l’enseignement. Mai 68 a aussi révélé la profondeur de la crise de la société, et mis en cause le régime politique et social.

On peut tenter d’effacer les évènements de mai-juin ou d’en dénaturer le sens ou la portée ; on aura beau dire et beau faire, rien ne peut plus être, rien ne sera plus comme avant, et particulièrement dans le domaine universitaire. (James.Marangé)

La droite, s’interroge sur le meilleur moyen d’éviter d’autres « mai 68 » et pour cela s’occupe du syndicalisme en essayant de l’affaiblir, voire le briser ou l’intégrer.

Le nouveau gouvernement Chaban-Delmas, après l’élection présidentielle de 1970, accorde, dans le cadre de la loi Debré à nouveau prorogée, de nouveaux avantages à l’enseignement privé.

Le SNI devient en 1976 le SNI-Pegc.

Les amis de l'Ecole publique et le Syndicat National des Instituteurs se sont réunis le 8 décembre 1944 pour voter l'abolition des lois de Vichy et pour l'école de la République. Voici Mr Delanoue du SNI faisant son exposé.

(France-Presse 9/12/44)

Les instituteurs de Paris et de la région parisienne manifestent sur la place de l'Hôtel de ville. Un groupe de manifestants est repoussé par les agents. (france-Presse 16/04/34)

Carte Fédération des Instituteurs, 1928.

Carte Fédération de l'Education Nationale, 1947

L'Ecole Libératrice du 5 novembre 1938.

les instituteurs pacifistes


Marie Mayoux rédige  le 1er juillet 1915, un manifeste dans lequel les signataires demandent à la France d'offrir la paix. Après un certain remous dans les syndicats, celui-ci n'est pas publié.

Une réunion fédérale a lieu à Paris le 14 août 1915 ayant valeur de congrès. Le problème de la guerre est abordé ; la position pour l'arrêt du conflit l'emporte. H. Brion et Loriot déclarent alors s'incliner devant la majorité, dont ils appliqueront les décisions.


Marie et François Mayoux agissant de leur propre initiative, lancent, sans le visa de la censure, une petite brochure intitulée : " Les instituteurs syndicalistes et la guerre". Elle se termine ainsi :

Une grande pacifiste, la misère, va nous prêter main forte. Avec tristesse nous envisageons cette aide prévue et fatale. Ce cri : la paix ! que tant de deuils, tant de souffrances morales et physiques endurées par les combattants, tant de crimes, tant de sang répandu, n'ont pu arracher des lèvres de la foule, ce cri si simple, si éloquent, si humain, jaillira demain de toutes les poitrines populaires parce que le pain sera noir et que le charbon manquera !

Nous aurons au moins la satisfaction de n'avoir pas attendu cette sommation brutale pour exposer notre désir, notre volonté de paix.

Nous accueillerons fraternellement, avec la pitié à laquelle ils ont droit, les pacifistes de la misère ; tout notre mépris sera réservé aux bourgeois féroces, aux gros fonctionnaires domestiqués, aux gouvernants ; à tous les gouvernants responsables de la tuerie infâme que les peuples ont déjà commencé à châtier selon la formule prédite par Jaurès, à la veille de sa mort pour la paix : " Allez-vous-en et que Dieu vous pardonne !"

La publication hâte les poursuites engagées contre les instituteurs pacifistes. M. et F. Mayoux sont perquisitionnés, inculpés puis suspendus de leurs fonctions. Ils sont condamnés chacun à deux ans de prison et mille francs d'amande. Hélène Brion et d'autres sont également  inculpés et condamnés.

Ces instituteurs payent très cher leur amour de la paix et leur fidélité aux grands principes humanitaires qu'ils ont toujours professés.

En 1906 est créée la Fédération des Amicales.

En 1907, la Fédération compte cent neuf associations, amicales ou unions, et quatre-vingt-cinq mille adhérents sur cent quinze mille fonctionnaires de l’enseignement primaire en exercice.

Il y a presque toujours trois tendances dans les Amicales : la tendance vieil instituteur qui triomphe jusque vers 1908, une tendance qu’on peut appeler syndicaliste-réformiste, formée d’éléments plus jeunes et la tendance syndicaliste-révolutionnaire, laquelle le plus souvent a rompu avec l’Amicale.

A partir de 1909, la Fédération des Amicales, sous l’impulsion de Louis Roussel et d’Emile Glay, prend une allure un peu plus indépendante, plus revendicatrice. Leur grande idée est de transformer la lourde machine amicaliste, en une fédération de syndicats de l’enseignement affiliés à la C.G.T. Ils conduisent leur mouvement à part, sans avoir l’intention de fusionner avec la Fédération des syndicats trop révolutionnaire.

En 1909, pendant son congrès de Paris, la Fédération des syndicats d’instituteurs, qui reprend de la vigueur, adhère à la C.G.T.

Une nouvelle revue pédagogique publiée par la Fédération Nationale des Syndicats d’Instituteurs, est lancée par le Syndicat des Bouches-du-Rhône : L’Ecole émancipée. Administrée par Ismaël Audoye et Adolphe Bezot, le premier numéro sort des presses de l'Imprimerie Nouvelle le 1er octobre 1910. Tout syndiqué est rédacteur de droit sans rétribution . On sollicite pour la partie "sociale", la collaboration de militants connus du mouvement ouvrier et militants anarchistes pour la plupart. Pour la partie "professionnelle", on compte sur les instituteurs syndicalistes et pour la partie "scolaire"  sur les partisans des méthodes nouvelles.

L’unification syndicale de 1935 entre la GGT réformiste et la CGT-U révolutionnaire transforme la Fédération unitaire de l’enseignement en organe d’une tendance syndicale qui prend le nom d'Ecole Emancipée.

Après la victoire électorale du Front populaire, les conquêtes sociales sont importantes (semaine de 40h, congés payés, assurances sociales). Mais l’unité ne résiste pas aux évènements internationaux, guerre d’Espagne, accords de Munich en 1938. Le pacte de non agression germano-soviétique, en août 1939, suivi de l’entrée des troupes soviétiques en Pologne, provoquent une nouvelle scission.

Un congrès extraordinaire regroupant 1 564 syndicats crée en 1922 la CGT-U au sein de laquelle la FMEL devient la Fédération unitaire de l’enseignement (FUE) avec pour organe L’École émancipée,

La CGT avalise officiellement l’entrée du SNI, son adhésion ne rencontrant plus d'obstacle.


En 1923, le ministre Léon Bérard dissout les syndicats.

La devise de l'Ecole Emancipée est :

Instruisons-nous et armons-nous

"L'homme de France le plus méritant, le plus misérable, le plus oublié, c'est le maître d'école."   Michelet

  

Affiche 18x24 de l'Edition du syndicat de l'Enseignement de l'Aisne.

"Guerre à la guerre"

A Laffaux. Vision d'horreur.

Au moment de l'affaire Dreyfus, le mouvement reprend une nouvelle vigueur. Dès 1898, quelques instituteurs, proposent dans leurs associations respectives, de provoquer une réunion des associations à l’occasion de l’inauguration du monument élevé par souscription, aux instituteurs de l’Aisne, fusillés par les Allemands en 1870. Autorisée par le ministre G. Leygues, les premières assises nationales des groupements d’instituteurs et d’institutrices publics de France se tiennent le 19 août 1899, dans l’hôtel de ville de Laon. Présidées par Achille Deum. Il est décidé qu’un congrès national des Amicales aurait lieu à Paris l’année suivante.

En 1900, les amicales tiennent donc leur premier congrès qui fixe, dans ses grandes lignes, les modalités d’une entente entre toutes les Amicales de France et des Colonies. Ce fut vraiment le congrès de l’Union, de l’amitié, de la fraternité, dit Murgier. La loi du 1er juillet 1901, qui accorde la liberté d’association civile sans autorisation préalable, permet aux associations d’instituteurs de se multiplier. Cela se confirme au congrès de Bordeaux où Murgier fait adopter un projet d’organisation  fédérale, mais n’obtient pas l’indépendance totale des Amicales vis-à-vis du pouvoir. Waldeck-Rousseau interdit le congrès de 1902, mais celui de 1903, présidé par Combes et Pelletan, est un triomphe.

En mars 1887, la préfecture de Paris reçoit en dépôt les statuts d'un Syndicat des instituteurs et institutrices laïques associés pour organiser des congrès d'instituteurs .

Le ministre de l'instruction publique Spuller, voit là une tentative d'usurpation sur la puissance publique, une menace de désorganisation d'un grand service d'Etat. Le 20 septembre, il envoie donc une circulaire aux préfets pour leur prescrire de se mettre en travers de ce mouvement. Il se refuse à concevoir qu'on puisse permettre aux instituteurs publics laïques « de se donner des chefs en dehors de leurs chefs, des statuts en dehors de l'Université, de prendre des engagements autres que ceux que l'Etat reconnaît » ; il ajoute : « Ils comprendront aisément que le gouvernement n'hésiterait pas à réprimer cet abus, quelque part et sous quelque nom qu'il se produisît ».

Le coup de grâce est porté pour dix ans au corporatisme des instituteurs.

Le premier congrès de la Fédération Nationale des Syndicats d'Instituteurs, après guerre, se tient à Tours, du 7 au 9 août 1919. La Fédération regroupe alors environ 5000 membres. On réorganise la Fédération qui prend désormais le titre de Fédération des Syndicats des membres de l'Enseignement laïque de France, des colonies et  pays protectorats (F.M.E.L.). Les nouveaux statuts prévoient l'existence d'un syndicat par département où sont regroupés les personnels de tous les ordres d'enseignement (primaire, secondaire et supérieur). Louis Bouët est élu secrétaire général.

La nouvelle Fédération de l'Enseignement s'oppose à toute fusion ou adhésion globale avec les amicalistes. 

Le 17 juin 1920, une circulaire du ministre de l'instruction publique rappelle l'illégalité du syndicalisme chez les fonctionnaires et demande aux syndicats d'instituteurs et d'enseignants de se transformer, avant le 30 septembre, en associations soumises à la loi de 1901, sous peine de poursuites. 

Alors que Bouët vient d'être révoqué, le congrès de la Fédération de l'Enseignement réuni à Bordeaux du 11 au 15 août 1920 revendique le bénéfice de la loi du 21 mars 1884 pour tous les membres de l'enseignement et décide que tous les groupements fédérés conserveront la forme syndicale.

Le 24 septembre 1920, c'est au tour de la Fédération des syndicats d'instituteurs (ancienne amicale) de tenir un congrès extraordinaire à la Mutualité à Paris. Le congrès dénonce l'arbitraire et l'illégalité des circulaires des 17 juin et 5 août et, pour rendre sans objet les poursuites qui seraient engagées contre chaque syndicat départemental, décide de transformer la Fédération des Syndicats d'Instituteurs en un Syndicat National des Instituteurs (SNI)

Il décide que, partout, les Syndicats départementaux se dissolvent, mais, qu'en même temps, il se crée  des Sections départementales affiliées au Syndicat Nationale, n'ayant aucune responsabilité, celle-ci étant prise, tout entière, par la Commission Permanente.

Le Syndicat des instituteurs souhaite son intégration à la C.G.T.

On songe alors à la fusion des deux fédérations, mais celle-ci s’avère impossible.


« A la différence de ce qui se passe à la même époque dans d’autres corporations, celle-ci ne concerne pas d’abord une minorité d’avant- garde qui peu à peu élargit son audience ; dès le début du regroupement, sous la forme élémentaire  de l’amicale, c’est la quasi-totalité de la corporation qui rejoint l’organisation. Et quand celle-ci prend la forme du syndicat, elle conserve la quasi-totalité de ses adhérents et son indiscutable représentativité. En effet, en 1907, la fédération des amicales compte 109 associations et 85 000 membres sur les 120 000 fonctionnaires en exercice dans l’enseignement primaire ; en 1922, deux ans après sa création, le Syndicat national des instituteurs regroupent 55 000 membres et trois ans plus tard, en 1925, 78 000 adhérents. » (Un syndicat pas comme les autres, de H. Aigueperse et R. Chéramy)

Les syndicats sont reconnus


Après les élections de mai 1924 et le triomphe du Cartel des gauches, le dialogue est devenu possible. Le droit de se syndiquer est reconnu aux fonctionnaires par une circulaire du ministère Herriot, du 25 septembre 1924. L’amnistie générale permet la réintégration de militants comme Gabrielle et Louis Bouët qui ont dirigés l’Ecole émancipée pendant de nombreuses années.

Le 22 février 1906, est constituée la Fédération nationale des syndicats d'instituteurs et d'institutrices publics de France et des Colonies. Le même jour, devant 1500 instituteurs, Jaurès aux côtés de Ferdinand Buisson et d’Anatole France, défend la Fédération des syndicats et ses militants.

Vos amicales, dit Anatole France, furent, comme la liberté, en naissant, invincibles… Vous ne vous lasserez pas de réclamer la capacité syndicale pleine et entière. Elle peut seule vous affranchir de la tutelle des bureaux. Vous ne le savez que trop : la direction de l'enseignement primaire est aux mains des politiciens, qui nomment et révoquent les instituteurs par le moyen des préfets… Vous vous faites du syndicalisme l'idée la plus haute. Vous ne considérez pas seulement que cette institution vous fournira les moyens de défendre vos intérêts professionnels. Vous y recherchez surtout des avantages d'ordre public.

Malgré l’illégalité et les poursuites engagées par le gouvernement, la nouvelle Fédération des syndicats d'instituteurs poursuit son combat.

L’adhésion à la C.G.T. est votée à l’unanimité dans la séance du 29 mars 1907 (elle ne sera pas effective). Le lendemain, pour protester à un projet de loi relatif aux associations de fonctionnaires, moins libéral que la loi de 1901, une lettre ouverte à M. Clémenceau, président du Conseil, est affichée sur les murs de Paris et quelques villes de France. Suite à ces actions le Conseil des ministres décide de poursuivre administrativement les signataires de la lettre ouverte. Six fonctionnaires sont révoqués dont Marius Nègre, secrétaire de la Fédération.

La révocation de Nègre jette le désarroi dans la Fédération et un grand nombre de syndicats prennent peur et se déjugent. La Fédération traverse une crise aiguë.

Comment forme-t-on un syndicat ?

La loi de 1884


Il ne faut pas croire que les syndicats appartiennent exclusivement aux socialistes, en fait, ou que, en théorie, le syndicalisme soit uniquement favorable au socialisme. On sait qu'il y a des syndicats de patrons, de commerçants, de capitalistes, des syndicats mixtes (patrons et ouvriers) ; on sait aussi que les syndicats agricoles, qui sont presque toujours des syndicats mixtes, sont généralement d'esprit conservateur et rétrograde. Toutefois, la loi qui a permis au syndicats professionnels de se constituer librement sans l'autorisation du gouvernement est une loi plutôt démocratique. Voici pourquoi : jusqu'à cette loi (21 mars 1884) les patrons, les négociants, les capitalistes formaient de véritables syndicats, sans que personne songeât à les inquiéter. Les ouvriers en formaient aussi ; mais ils étaient inquiétés, gênés, traqués, en mainte occasion par le gouvernement ; ils étaient à la merci d'un ministère de combat et de réaction. La loi du 21 mars 1884 leur confère le droit de se syndiquer. C'est un grand point s'ils savent en user...

Il ne faut pas oublier d'ailleurs que la loi de 1884, promulguée par M. Grévy et contresignée par M. Waldeck-Rousseau, est faite tout aussi bien pour les patrons que pour les ouvriers, pour les capitalistes que pour les prolétaires...

La loi de 1884 les libère des entraves que la législation antérieure, datant de la Révolution (décret-loi des 14-27 juin 1791) leur avait imposées.

Désormais les syndicats professionnels se forment librement sans l'autorisation du gouvernement. La seule condition qui leur est imposée est celle de la publicité. Ils doivent faire connaître à l'autorité leurs statuts rt le nom de leur directeurs et administrateurs. Le syndicat a pour but exclusif l'étude et la défense des intérêts professionnels. Le syndicat est propriétaire des cotisations de ses membres. Il peut les employer comme il l'entend en faveur des intérêts qu'il a pour mission de défendre...

Peuvent se syndiquer, les ouvriers d'une même profession, ou d'une profession similaire. Entendez ces mots dans un sens large. Ex. : tous les ouvriers qui collaborent à une bâtisse, à la construction d'un vaisseau sont similaires. Les étrangers, les femmes peuvent en faire partie, de même que les personnes qui ne jouissent pas de l'intégralité de leurs droits par suite d'une condamnation. (Seuls, les membres administrateurs et directeurs doivent avoir nécessairement la qualité de français et l'intégralité de leur droits

A la veille de la guerre, le gouvernement poursuit et dissout les syndicats, sous le prétexte de la décision prise par leur congrès de Chambéry en 1912 de soutenir le « sou du soldat », organisation dite de propagande antimilitariste de la C.G.T.

Voici ce qui est dit : "afin de maintenir les relations existantes entre les camarades syndiqués soldats et leur groupement, il est institué dans chaque syndicat une œuvre spéciale dite sou du soldat destinée à leur venir en aide moralement et pécuniairement".

 C’est la presse qui transforme cette disposition modeste en scandale, en présentant le Sou du soldat comme une association antimilitariste. Et c’est pour remettre les faits dans leur exacte lumière de solidarité qu’est rédigé, à l’initiative de quelques instituteurs, le « Manifeste » qui devait recueillir près de huit cents signatures.

La plupart des syndicats résistent et refusent la dissolution.

Et devant les attaques mensongères de la presse radicale contre le soi-disant antipatriotisme des instituteurs, Jaurès écrit dans l'Humanité : Frapper ceux qui se font une autre idée de la patrie, croire que l'effort critique des esprits libres ne saura pas dégager du faible mélange nationaliste et capitaliste ce que la vie et l'autonomie nationale ont de nécessaire et de grand, voilà le véritable attentat contre la vie française. Cette idée d'un patriotisme transformé selon l'esprit des temps nouveaux se fortifie chez Jaures dans la décennie précédant la guerre.

 

A la suite de l’élection du président Poincaré, l’amnistie est décrétée.

Au début de la guerre, la plupart des militants est mobilisée et l’activité syndicale est en sommeil ; le bureau fédéral se trouve réduit à la secrétaire-adjointe, Hélène Brion, et au trésorier, F. Loriot, qui se laissent emporter, au début, par la vague chauvine, avec les directions du parti socialiste et de la C.G.T.

Cependant la Fédération des syndicats continue le combat de la paix, ce qui n’est pas le cas des Amicales qui suivent le gouvernement. L’Ecole Emancipée qui continue de paraître, « fidèle aux principes de lutte de classe et d’internationalisme" est suspendue par la censure militaire par arrêté du 24 octobre 1914. Elle reparaît  sous un autre titre ; l'Ecole, puis l'Ecole de la Fédération.

L'Ecole Emancipée une contre-culture de la belle époque de Thierry Flammand, Editions les Monédières, 1982.

Les bourses du travail


Elle est la Fédération, l'Union des Syndicats d'une même ville, assemblés dans un même édifice et administrant des services communs. la première de ces bourses fut ouverte à Paris en 1887 ; on en comptait quatorze en 1892, et depuis lors, l'effectif ne cessa de s'accroitre. Au cours des dernières années, la progression a été si accentuée qu'il n'est plus guère d'agglomération industrielle un peu importante qui n'ait son Union syndicale.

La Bourse joue ainsi dans la cité, le même rôle que la Fédération Professionnelle dans le métier et dans l'industrie. Elle donne une cohésion matérielle, concrète aux travailleurs ; elle leur enseigne la solidarité nécessaire; elle leur fournit les moyens de s'instruire, de se concerter, de tenir leur délibérations. En telle circonstance, c'est à la grève de toute une industrie qu'il appartient de briser une résistance ou de réaliser une conquête corporative ; en telle autre, une innovation libératrice ne peut être introduite que si toutes les corporations d'un même lieu marchent d'un même pas, et alors la Bourse sert en quelque sorte de régulateur. Elle est le foyer de l'action prolétarienne, le centre visible d'où tout part et où tout aboutit... C'est vraiment l'hôtel de ville de la classe salariée.

(Paul Louis, Revue de l'Enseignement primaire du 4 mars 1906)

  

La Confédération du travail


La C.G.T. comme on l'appelle, tire son origine du congrès de Nantes de 1894 où est institué un Conseil national comprenant : 3 délégués de la Fédération des Bourses, 3 de la fédération des syndicats, plus 1 délégué par fédération de métier.

Le congrès de Limoges (1895) créa la C.G.T. en lui donnant son titre. Elle devait admettre les Bourses, Fédérations, syndicats nationaux. Etc. Ses statuts furent remaniés au congrès de Tours (1896), et à celui de Toulouse (1897). La Confédération se subdivisant en 2 sections : Comité fédéral des Bourses et Conseil des Fédérations -- chaque section gardant son autonomie. La séparation quasi intégrale des Bourses et de la C.G.T. fut encore prononcée au congrès de Rennes, en 1898... Nous passons au congrès de Montpellier qui décida de sceller l'entente de la Confédération et des Bourses. La C.G.T. comprendrait désormais deux sections : l'Union des Fédérations de métier et d'industrie ; l'Union des Bourses, des Unions locales, départementales et régionales.

Tout syndicat devait adhérer à la fois à sa Bourse et à sa Fédération...

(Paul Louis, Revue de l'Enseignement primaire du 11 mars 1906)

Premier numéro de L'Ecole Libératrice organe hebdomadaire du Syndicat National des Institutrices et Instituteurs de France et des Colonies. 28 septembre 1929.

En 1940, le S.N.I. est dissous par le gouvernement de Vichy. Il se reconstitue dans la clandestinité et ses militants prennent une part active à la Résistance.


 Documents

Discours d'Anatole France du 8 août 1919 au congrès de Tours


C'est un vieil ami qui vient à vous. Ilse tenait à vos côtés près du grand Jaurès, en 1906, quand vous commenciez la lutte pour le droit syndical. Ce droit acquis, il vous appartient d'en régler l'usage et c'est pourquoi vos syndicats sont réunis.

Ce congrès a un autre objet, s'une importance capitale : la réorganisation de l'enseignement primaire. Ne comptez que sur vous-même pour l'opérer : la prudence vous le conseille… Institutrices, instituteurs, chers amis, c'est avec une ardente émotion que je m'adresse à vous et c'est tout agité d'inquiétude et d'espérance que je vous parle. Et comment n'être pas saisi d'un grand trouble en songeant que l'avenir est entre vos mains et qu'il sera, pour une grande part, ce que votre esprit et vos soins l'auront fait ?

En formant l'enfant, vous déterminez les temps futurs. Quelle tâche à l'heure où nous sommes, dans ce grand écroulement des choses, quand les vieilles sociétés s'effondrent sous le poids de leurs fautes et lorsque vainqueurs et vaincus s'abîment côte à côte dans une commune misère, en échangeant des regard de haine !

Dans le désordre social et moral créé par la guerre et consacré par la paix qui l'a suivie, vous avez tout à faire et tout à refaire. Haussez vos courages, élevez vos esprits !

C'est une humanité nouvelle qu'il vous faut créer, ce sont des intelligences nouvelles que vous devez éveillez si vous ne voulez pas que l'Europe tombe dans l'imbécillité et la barbarie.

On vous dira : "A quoi bon tant d'efforts ? L'homme ne change pas." Si ! il a changé depuis l'âge des cavernes, tantôt pire et tantôt meilleur ; il change avec les milieux et c'est l'éducation qui le transforme autant et plus, peut-être, que l'air et la nourriture. Oui, certes, il ne faut pas laisser subsister un moment d'éducation qui a rendu possible, qui a favorisé l'épouvantable catastrophe sous laquelle nous restons encore à demi ensevelis. Et d'abord, il faut bannir de l'école tout ce qui peut faire aimer aux enfants la guerre et ses crimes… Mes amis, l'instituteur devra faire aimer à l'enfant la paix et ses travaux : il lui apprendra à détester la guerre. Il bannira de l'enseignement tout ce qui excite à la haine de l'étranger, même à la haine de l'ennemi d'hier : non qu'il faille être indulgent au crime et absoudre tous les coupables, mais parce qu'un peuple, quel qu'il soit, à quelque heure que ce soit, est composé de plus de victimes que de criminels, parce qu'on ne doit pas poursuivre le châtiment des méchants sur les générations innocentes et parce qu'enfin tous les peuples ont beaucoup à se pardonner les uns aux autres.

Dans un beau livre qui vient de paraître et que je vous conseille de lire, Les Mains propres, essai d'éducation sans dogme, Michel Corday a prononcé ces belles paroles  que je prends pour renforcer les miennes ; il a dit : " Je hais celui qui ravale l'homme au rang de la bête en le poussant à foncer sur quiconque ne lui ressemble pas. "

Oh ! celui-là ! j'appelle de tous mes vœux sa disparition de la surface de la terre. Je n'ai de haine que pour la haine.

Mes amis, faites haïr le haine ; c'est le plus nécessaire de votre tâche et le plus simple ; l'état où une guerre dévastatrice a mis la France et le monde entier vous impose des devoirs d'une extrême complexité et par conséquent plus difficiles à remplir. Pardonnez-moi d'y revenir : c'est le grand point dont tout dépend. Vous devez, sans espoir de trouver de l'aide et appui, ni même consentement, vous devez changer de fond en comble l'enseignement primaire afin de former les travailleurs. Il n'y a pas place aujourd'hui dans notre société qu'aux travailleurs ; le reste sera emporté dans la tourmente. Formez des travailleurs intelligents, instruits dans les arts qu'ils pratiquent, sachant ce qu'ils doivent à la communauté nationale et à la communauté humaine.

Brûlez ! brûlez tous les livres qui enseignent la haine ! Exaltez le travail et l'amour ! Formez-nous des hommes raisonnables, capable de fouler aux pieds les vaines splendeurs des gloires barbares et de résister aux ambitions sanguinaires des nationalismes et des impérialismes qui ont broyé leurs pères.

Plus de rivalités industrielles, plus de guerre : le travail et la paix.

Qu'on le veuille ou non, l'heure est venue ou d'être citoyen du monde ou de voir périr toute civilisation.

Mes amis, permettez-moi de former un vœu bien ardent qu'il me faut exprimer dans une forme trop rapide et trop incomplète, mais dont l'idée première me semble de nature à pénétrer dans tous les esprits généreux. Je souhaite, je souhaite de tout mon cœur que bientôt, à l' Internationale ouvrière, vienne s'adjoindre une délégation des instituteurs de toutes les nations pour préparer en commun un enseignement universel et aviser au moyen de semer dans les jeunes intelligences les idées d'où sortiront la paix du monde et l'union des peuples.

Raison, sagesse, intelligence, forces de l'esprit et du cœur, vous que j'ai toujours pieusement invoquées, venez à moi, aidez-moi, soutenez ma faible voix, portez-la, s'il se peut, à tous les peuples du monde et répandez-la partout où il se trouve des hommes de bonne volonté pour entendre la vérité bienfaisante !

Un nouvel ordre de choses est né. Les puissances du mal meurent empoisonnées par leur crime. Les cupides et les cruels, les dévorateurs de peuples crèvent d'une indigestion de sang. Cependant, durement frappés par la faute de leurs maîtres aveugles ou scélérats, mutilés, décimés, les prolétariats restent debout ; ils vont s'unir pour ne plus former qu'un seul prolétariat universel et nous verrons s'accomplir la grande prophétie socialiste : " L'union des travailleurs fera la paix du monde. "