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Education civique et morale

La morale



Le but de l’éducation, sous l’ancien régime, est de donner l’éducation chrétienne aux enfants, c’est-à-dire de leur apprendre le catéchisme, les prières, et de les former à la piété et à la vertu.

Pour compléter l'éducation religieuse chez les frères des écoles chrétiennes, on enseignait Les règles de la bienséance et de la civilité chrétienne de J.-B. de La Salle. (Troyes, 1711). L’ouvrage est toujours édité au XIXe siècle.


« La Civilité de Jean-Baptiste de La Salle est, en son genre, un petit chef-d’œuvre pédagogique. Elle se divise en deux grands chapitres. Dans le premier, toutes les parties du corps sont passées en revue ; on y dit les soins dont elles doivent être l'objet, et la manière dont elles doivent « se comporter » en toute circonstance. La tête et les oreilles, le nez, la bouche, les lèvres, le dos, les épaules, les mains, les jambes, les pieds, etc., y trouvent la législation qui leur est propre ; et l'enfant y apprend jusqu'à la manière dont il doit « bâiller et cracher ». La seconde partie concerne les actes les plus ordinaires de la vie, indique à l'enfant comme il convient de se lever, de se coucher, de s'habiller ; ce qu'il doit observer avant, pendant et après les repas ; puis viennent des conseils, d une moralité excellente, sur les divertissements, les visites, la conversation, etc. En somme, excellent petit traité sans raideur, sans prétention, simple, naïf même, mais admirablement fait pour ceux à qui il s'adresse, fondé, cela va sans dire, sur la religion, mais contenant aussi les meilleures leçons de morale humaine. » Ch. Defodon.


 « La civilité est la pratique de tous les égards, soit en actions, soit en paroles, que nous devons à nos semblables, dans la société. » J.B.J. De Chantal.

La Civilité puise ses premiers préceptes dans la religion chrétienne : « Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît : faites-leur ce que vous voudriez qui vous fût fait à vous-même.»

On distingue, dans la civilité, la politesse des mœurs et des manières ; La politesse des mœurs apprend les devoirs qui sont imposés envers les autres ; La politesse des manières embrasse les usages reçus.


 La Révolution donne naissance, entre autres catéchismes de morale, à une Civilité républicaine, contenant les principes de la bienséance, puisés dans la morale et autres instructions utiles à la jeunesse, par Chemin (Paris, an VII).

A la  Restauration et jusqu’à la IIIe République, l'éducation reste religieuse. Pour la lecture, les maîtres utilisent très souvent des psautiers ou des livres tels que l’Instruction de la jeunesse en la piété chrétienne par Charles Gobinet. Les récompenses et prix offerts aux élèves sont souvent des ouvrages de civilité et des livres de récits moraux.

La leçon, Indicateur de Bayeux.

Il est très malhonnête de fouiller continuellement dans les narines avec les doigts (civilité puérile et honnête)

« Mais la morale n’est pas tout, et elle n’est pas l’essentiel. Elle ne sait que commander – et qui se contenterait d’obéir ? Elle ne sait dire ordinairement que non – et qui n’a besoin de dire oui ? Elle est faite surtout de devoirs – et qui ne préfère l’amour et la liberté ? » (Ferry et André Comte-Sponville, La sagesse des modernes, chez Robert Laffont, 1998.)

Les règles de la bienséance et de la civilité chrétienne, divisées en deux parties, à l'usage des écoles chrétiennes, à Rouen chez Mégard fils, libraire, 1837.

Contes pour les enfants de cinq à six ans, par Mme De Renneville, chez Pierre Blanchard, 1832.


Nouveaux contes moraux par Marmontel, chez les Frères Levrault, libraire, an 9.


Magasin des enfants ou dialogues d'une sage gouvernante avec ses élèves, par mme Leprince de Beaumont, chez Pillot à Lille, an 9.


Contes instructifs, moraux et amusants à l'usage des enfants par Mme A.P., 1827

- La civilité des jeunes personnes par J.B.J. De Chantal, Jacques Lecoffre, libraire-éditeur, 1860.

- Récits moraux et instructifs par Ambroise Rendu fils, librairie classique et élémentaire de Ch. Fouraut et fils, 1873.

L’école de Jules Ferry naît de la guerre entre catholiques et républicains qui voit un pic avec la déclaration du pape Pie IX en 1864, rendant hérétique l’affirmation du principe laïque : « tout homme est libre d’embrasser et de professer la religion qu’à la lumière de la raison il aura jugée vraie ». En réponse la charge anticléricale est violente.

La défaite de 1870 face à la Prusse déchaîne toutes les rancœurs accumulées entre la France avec Dieu et celle sans Dieu. Le début de la 3ème République est occupé par cette guerre morale et politique.

Paul Bert dans son discours de 1879 dira : « Il est deux fléaux, le phylloxéra qui se cache sous la vigne et l’autre…, le phylloxéra que l’on cache avec des feuilles de vigne ! Pour le premier, nous avons le sulfure de carbone ; pour le second l’article 7 ! » (L’article 7 de la Constitution, interdit aux congrégations religieuses « non autorisé » d’enseigner)

Jules Ferry cherche surtout à unir la France dans un même lien moral, une morale indépendante de toute religion et dont le sacerdoce s’exercerait dans les écoles de la République. C’est dans sa fonction de ministre de l’Instruction publique qu’il fait adopter les lois fondamentales de l’enseignement public. La laïcité se traduit par la suppression du catéchisme et l’interdiction des locaux scolaires aux ministres des cultes. Pour faire accepter cette loi, Ferry invoque dans un discours la liberté de conscience de l’instituteur, qui n’est pas respectée s’il doit faire répéter un catéchisme auquel il ne croit pas.

L’instruction publique est sécularisée comme l’ont été l’Etat et ses services publics. Elle sera complète avec le paiement des instituteurs par l’Etat en 1889. Dans son principe, la sécularisation n’est pas hostile à l’église, mais simplement un partage de compétences et de responsabilités. Condamnée par les catholiques, la sécularisation se fait donc contre eux.

Les catholiques nient qu’on puisse concevoir une morale indépendante de la religion. Les républicains soutiennent au contraire la possibilité, mieux, la réalité d’une morale autonome.

Jules Ferry, positiviste (la théorie morale du positivisme est essentiellement la substitution de l’amour de l’Humanité à l’amour de Dieu), déclare au Sénat, le 2 juillet 1881 : « La vraie morale, la grande morale, la morale éternelle, c’est la morale sans épithète… La morale est plus grande quand on ne la définit pas, elle est plus grande sans épithète. »

Certains républicains opposent la morale chrétienne et la morale laïque, Jules Ferry, lui, distingue la lutte antireligieuse de la lutte anticléricale. Il refuse de détruire le catholicisme comme le veulent les radicaux, afin d’éviter de diviser la nation, ce qui pourrait être fatal à la République. Pour lui, avec la sécularisation, la religion dépérira d’elle-même. Libre penseur, il refuse d’introduire, dans la loi, les devoirs envers Dieu qu’il maintenait aux programmes de 1880.

Pour convaincre les instituteurs d’accepter sa modération, il leur adresse une circulaire le 27 novembre 1883, où il exprime le fond de sa pensée : «  Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment. » 

Cette règle devient un texte fondamental de la neutralité scolaire.

La morale laïque de la IIIe République est sans aucun doute la petite-fille de la philosophie des Lumières, et Condorcet son premier fondateur. (Petite histoire de l’enseignement de la morale à l’école, de Michel Jeury et Jean-Daniel Baltassat)

Cours de morale par Léopold Mabilleau, CE, librairie Hachette et Cie, 1883

Les protestants Ferdinand Buisson, directeur de l’enseignement primaire, les anciens pasteurs Jules Steeg et Félix Pécaut, et Mme Jules Favre, fille de pasteur, contribuent à définir la doctrine morale de l’école primaire.

En fin de compte, cette nouvelle morale a une base philosophique simple et claire : la religion chrétienne. C’est la morale des commandements de Dieu.

 « J’entends par là cette bonne et antique morale que nous avons reçue de nos pères et que nous nous honorons tous de suivre dans les relations de la vie sans nous mettre en peine d’en discuter les bases philosophiques » note Jules Ferry dans sa lettre aux instituteurs.

La morale laïque au moins jusqu’en 1914, est une morale de la raison, une morale kantienne, définie comme « science des devoirs ». Elle se divise en deux parties inséparables : morale théorique ou générale, c’est la science du devoir et morale pratique ou particulière, c’est la science des devoirs.


« Il n’y a d’obligatoire que le bien ; le bien est le but que la volonté devrait toujours se proposer ; la volonté qui accomplirait sans cesse le devoir, serait une volonté bonne, elle posséderait la vertu ; aussi dit-on souvent que la morale est « la science du bien, la science de la vertu. » Leçons de morale pratique précédées de notions sur la morale théorique par E. Rayot, chez Paul Delaplane.


La Raison a pris la place de Dieu ; tout procède, désormais, d’elle, comme tout procédait du Seigneur dans la morale religieuse.

La Raison a aussi un outil, la volonté. La volonté, qui commande l’effort, permet d’accomplir le devoir et d’accéder à la vertu. Le travail, la famille et la patrie, sont les « champs » où s’exercent le devoir et la vertu.

Lectures choisies d'auteurs français (morale et récitation) à l'usage de l'enseignement primaire, par J.Martin et A.Lemoine, librairie d'Education nationale et A. Picard et Kaan, éditeurs, 1902.

L'instituteur. - Il n'y a qu'une morale : celle de l'Etat ; et qu'une vérité : celle du gouvernement.

L'Assiette au beurre, La liberté de l'enseignement par Grandjouan et Roubille, 1904

Les manuels scolaires


Introduite dans le programme de l’instruction primaire par la loi du 28 mars 1882, la morale a provoqué, dès le début, la publication d’un nombre considérable de manuels destinés à fournir aux maîtres et aux élèves la matière de cet enseignement nouveau.

Sous la IIIe République, la morale est omniprésente dans l’enseignement ; dans la lecture et jusque dans l’arithmétique. La grammaire et la conjugaison donnèrent longtemps aux auteurs de manuels l’occasion de ressasser les préceptes moraux. La plupart des auteurs croyaient que l’on pouvait conjurer tout mal, toute faiblesse, par la raison, la réflexion, l’attention, la prévoyance. Leur façon de voir n’était pas toujours stupide, seulement naïve et chimérique.

Devoir et patrie, CM et CS de A. Burneau, Alcide Picard et Kaan, éditeurs

«  Chaque enfant doit choisir sa destinée : vivre comme le commande la raison, ou sombrer dans une vie animale. Vivre bon, juste, généreux, ou égoïste, méchant. Vivre une vie belle, lumineuse, ou une vie laide, basse, méprisable. » La morale à l’école de Jules Payot, 1906.

Les maximes


A l’école de la IIIe République, les maximes sont inscrites sur le tableau noir avant l’entrée en classe ; elles font l’objet, dès le début de la journée, d’un court commentaire, ou suivent la leçon de morale.

Elles sont utilisées comme modèles d’écriture sur le cahier du jour.

                   

La famille :        -Rien ne peut remplacer l’amour d’un père et d’une mère.

-Il faut apprendre à obéir pour savoir commander.

                        -On agit comme on aime.

                        -Tel père, tel fils

                        - n’y a pas de bonheur plus grand en ce monde que celui d’une famille unie (Gréard)

                        -Les méchants n’ont point d’amis.

L’école :            -Le plus grand bien que l’on puisse laisser à ses enfants, c’est une bonne éducation.

                        -Qui aime bien, châtie bien.

                        -Il ne faut pas avoir honte de demander ce qu’on ne sait pas.

                        -Un bon livre est le meilleur des amis (Montesqieu)

La patrie :          -plus une nation est intelligente, instruite et laborieuse, plus elle est grande.

                        -Il faut que force reste à la loi (J. Simon)

                        -Le payement de l’impôt est un devoir.

                        -A cœur vaillant rien d’impossible.

                        -L’instruction est le premier bien de l’homme (Ch. Dupuy)

                        -L’ignorance mène toujours à la servitude (Mme Desbordes-Valmore)

                        -Aller à l’école c’est obéir à la patrie (J. Simon)

Devoirs envers soi-même :

                        -La propreté est la condition de la santé

                        -Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger.

                        -Connais-toi toi-même.

                        -On n’est pas obligé de dire tout ce que l’on pense, mais on doit penser tout ce que l’on dit.

                        -Un avare, si riche qu’il soit, est toujours misérable.

                        -Les gens qui ne font rien manquent de temps pour tout. (Mme Roland)

                        -A qui mal fait, mal arrive.

                        -Plus fait douceur que violence (La Fontaine)

Devoirs envers autrui :

                        -C’est un bon placement que le bonheur des autres (E. Zola)

                        -Nul ne doit se faire justice lui-même.

                        -La liberté est aussi précieuse que la vie. (J. Steeg)

                        -Qui vol un œuf peut voler un bœuf.

                        -Bien mal acquis ne profite jamais.

                        -Donner c’est s’enrichir tout en s’appauvrissant.

                        -La façon de donner vaut mieux que ce qu’on donne. (Corneille)

Devoirs envers Dieu :

                        -Dieu fait bien ce qu’il fait. (La Fontaine)

                        -Une bonne conscience est un bon oreiller.

                        -Il faut faire le bien parce que c’est le bien (Ratisbonne)

La conception du travail, de la famille et de la patrie change avec le gouvernement du Front populaire. Vichy la ramène cinquante ans en arrière.

La psychologie et, plus tard, la psychanalyse, qui démontrent la puissance des pulsions et des passions, sont ignorées. D’autre part, on s’aperçoit qu’il ne suffit pas d’être instruit pour vouloir le bien, et le faire.

« On se contente d’une morale fondée sur la bonne volonté. Une morale devenue émotionnelle, utilitaire, contingente et, en conséquence, bientôt facultative. Un catalogue de recettes, et de préceptes hérités de la religion. Une morale sans raison, mais qui versifiait toujours les mêmes rimes : une petite chanson, de plus en plus douce, puis un simple murmure qui allait se perdre dans le fracas de la civilisation » écrivent Michel Jeury et Jean-Daniel Baltassat.


Après la seconde guerre mondiale, l’exemplarité dont la morale se réclame est difficile à maintenir.

Une nouvelle époque commence où l’individualisme prime sur la solidarité. L’idéal du progrès technique devient un idéal de consommation qui replace la morale dans un rôle nouveau pour l’individu.

La morale scolaire a d’abord perdu Dieu, mis par les protestants »en réserve de la République » et finalement oublié dans le placard ; mais elle a prouvé qu’elle pouvait s’en passer. Puis on lui a pris la Raison, mère des droits et des devoirs, et marraine de la laïcité. Elle n’a jamais connu la psychologie. Quand le vent de la médiocrité s’est mis à souffler sur l’école, elle a déposé son bilan et elle s’est éteinte dans l’indifférence générale. (Petite histoire de l’enseignement de la morale à l’école, Michel Jeury et Jean-Daniel Baltassat, chez Robert Laffont)

Tableaux muraux La morale par l'exemple par J.B. Lecerf et L. Démoulin, collection publiée sous la direction de Edouard Petit

Petite histoire de l'enseignement de la morale à l'école de Michel Jeury et Jean-Daniel Baltassat chez Robert Laffont


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